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 L'esclavage , une réalité qui dure.

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mimi1260
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MessageSujet: L'esclavage , une réalité qui dure.   L'esclavage , une réalité qui dure. Icon_minitimeVen 13 Mai 2022 - 9:36

De l'Antiquité à nos jours


On assiste en ce début du XXIe siècle à un retour de l'esclavage dans de vastes parties de la planète, en particulier en Afrique noire depuis la vague de décolonisation des années 1960, mais aussi dans certains pays arabo-musulmans, dans le sous-continent indien où perdure l'esclavage pour dette, dans certaines régions chinoises et même en Europe, avec l'exploitation des populations fragiles issues de l'immigration illégale.



L'Organisation internationale du travail (OIT) estime à vingt-cinq millions le nombre de personnes vivant actuellement dans des conditions assimilables à de l’esclavage, soit guère moins que d'esclaves dans le Nouveau Monde pendant les trois siècles de la traite atlantique. 


L'esclavage a été pratiqué dans toutes les sociétés sédentaires et organisées... mais jamais il n'est allé de soi. Ainsi le savant Aristote se croyait-il obligé de le justifier dans un célèbre plaidoyer. Dans l'Antiquité, c'était le sort qui attendait ordinairement les prisonniers de guerre. Le mot latin qui désigne les esclaves (servus) dérive de conservare (« conserver la vie ») et rappelle cette origine.


Le mot esclave vient du mot Esclavon ou Slave parce qu'au début du Moyen Âge, les Vénitiens vendaient en grand nombre des païens de Slavonie (une région de la côte adriatique) ou d'Europe orientale aux Arabes musulmans, lesquels faisaient une grande consommation d'esclaves blancs tout autant que de noirs.


Au XVIe siècle, la colonisation du Nouveau Monde a suscité de nouveaux besoins de main-d'oeuvre. Ne trouvant plus assez de ressources chez les Amérindiens et dans les bouges du Vieux Continent, les Européens ont fait venir des esclaves d'Afrique noire, où ils n'avaient guère de peine à trouver des vendeurs (marchands arabes ou roitelets noirs).


Aux Temps modernes (XVIIe et XVIIIe siècles), le développement de la traite atlantique a conduit à assimiler les esclaves aux noirs d'Afrique et suscité en Occident le développement du racisme et du mythe de la supériorité de la race blanche. Les gouvernements ont choisi d'encadrer l'esclavage pour en limiter les abus, faute de pouvoir l'interdire. C'est ainsi que le fils du grand Colbert, ministre de Louis XIV, édicta en mars 1685 un texte réglementaire plus tard appelé Code Noir.
L'esclavage , une réalité qui dure. Esclavage1

Convoi de captifs en Afrique au XIXe siècle (gravure abolitionniste)


De l'abolitionnisme au retour de l'esclavage


L'esclavage, pudiquement qualifié d'« institution particulière » par les élites des Lumières, a été progressivement aboli à la fin du XVIIIe siècle et au XIXe siècle dans les États américains et les colonies européennes grâce à l'action des sociétés philanthropiques d'inspiration chrétienne.


Après la Seconde Guerre mondiale, l'influence des idées démocratiques a conduit à son abolition dans l'ensemble des États de la planète. Les derniers pays à l'abolir officiellement ont été deux pays arabo-musulmans : l'Arabie séoudite en 1962 et la Mauritanie en... 1980.
L'esclavage , une réalité qui dure. Esclavage-inde

Plusieurs millions d'enfants travaillent dans le monde (photo OIT/Marcel Crozet) DR


Mais l'esclavage n'a pas disparu pour autant. Il est très présent dans le sous-continent indien où l"endettement et les accidents de la vie conduisent des millions de malheureux à vendre leurs enfants ou se placer sous la sujétion de leur créancier.


En Afrique, dans toute la frange sahélienne au sud du Sahara (Mauritanie, Mali, Niger, Nigeria, Tchad, Soudan), de sanglantes tensions perdurent entre les descendants d'esclaves et leurs anciens propriétaires, généralement des nomades musulmans à peau claire. Dans les années 1990, les commerçants mauritaniens du Sénégal ont été ainsi victimes de violences meurtrières de la part d'émeutiers noirs qui les ressentaient comme liés aux anciens trafiquants d'esclaves...
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mimi1260
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MessageSujet: Re: L'esclavage , une réalité qui dure.   L'esclavage , une réalité qui dure. Icon_minitimeVen 13 Mai 2022 - 9:41

L'Église et l'esclavage


Condamnations en haut lieu, accommodements locaux


Le christianisme, depuis ses origines, atteste d'une attitude cohérente à l'égard de l'esclavage. Il s'en accommode durant le premier millénaire comme d'une réalité sociale universelle et incontournable, mais sans l'approuver et encore moins l'encourager. Ensuite, après l'an Mil, l'Église catholique en vient à le condamner sans arriver néanmoins à se faire entendre au-delà des océans. À la fin du XVIIe siècle, alors que la traite atlantique prend une dimension industrielle, les confessions protestantes anglo-saxonnes prennent le relais et ouvrent la voie à l'abolitionnisme.


Une réalité avec laquelle il faut compter


Il n'est fait aucune référence à l'esclavage dans les Évangiles, qui relatent la vie de Jésus. Par contre, dans les épitres de saint Paul, il en est question comme d'une réalité avec laquelle il faut composer. L'esclavage est d'une certaine manière dépassé dans la célèbre exhortation de saint Paul : « Il n'y a ni hommes ni femmes, ni Juifs ni Grecs, ni hommes libres ni esclaves, vous êtes tous en Jésus-Christ » (épître aux Galates) (note).


De sa prison, saint Paul écrit aussi à son disciple Philémon une lettre dans laquelle il le supplie de libérer son esclave Onésime : « S’il a été éloigné de toi pendant quelque temps, c’est peut-être pour que tu le retrouves définitivement, non plus comme un esclave, mais, mieux qu’un esclave, comme un frère bien-aimé : il l’est vraiment pour moi, combien plus le sera-t-il pour toi, aussi bien humainement que dans le Seigneur. Si donc tu estimes que je suis en communion avec toi, accueille-le comme si c’était moi ».


Le christianisme va se développer à la fin de l'Antiquité dans des sociétés encore très marquées par l'esclavage. Malgré cela, la pratique ecclésiale ne fera jamais de différence entre hommes libres et esclaves, accordant les mêmes sacrements aux uns et aux autres. Il a pu même arriver que des esclaves deviennent évêques de Rome et papes. Ce serait le cas de Pie Ier, en 140, et Calixte Ier, en 217.


Confronté aux dures réalités de son temps, saint Augustin admet l'esclavage comme le fruit inévitable de la guerre et du péché, en bref une invention humaine. Mais il ne considère pas qu'il soit du ressort de l'Église de l'abolir (note).


Condamnations pontificales


Tout change à la fin du Moyen Âge quand les marchands italiens et surtout portugais et espagnols entrent en contact avec l'Orient et l'Afrique. Ils ramènent des esclaves dans leurs régions d'origine au point que Séville et Lisbonne en viendront à compter environ un dixième d'habitants d'origine servile. Le trafic s'accélère avec les explorations maritimes de l'océan Atlantique et du littoral africain au XVe siècle.


L'asservissement des êtres humains, indépendamment de leur religion et de leur couleur de peau, fait l'objet d'une première condamnation catégorique par le pape Eugène IV le 13 janvier 1435, à Florence. Dans la bulle Sicut Dudum, le souverain pontife dénonce explicitement les mauvais traitements faits aux Guanches, indigènes des îles Canaries, par les Espagnols. Il regrette pour le coup que les rapines des Espagnols enlèvent aux Guanches l'envie de se faire baptiser : « Après avoir pillé les biens des habitants, les Espagnols ont asservi une partie d'entre eux et en ont vendu d'autres, de sorte que les habitants restants, par dépit, ont renoncé à recevoir le baptême et mis leur âme en danger ».


Le 8 janvier 1454, selon l'expression consacrée, le pape Nicolas V « fulmine » une bulle mémorable, Romanus Pontifex, par laquelle il encourage le roi du Portugal Alphonse V à combattre et réduire en « servitude perpétuelle » les « sarrasins, païens et autres ennemis du Christ où qu’ils soient ».


Le pape vient alors d'apprendre la chute de Constantinople aux mains des Turcs et en a été bouleversé comme beaucoup de chrétiens. Par cette bulle, il encourage donc le roi du Portugal et ses marins dans leur entreprise de contournement du continent africain, destinée à prendre à revers l'empire ottoman. Cette entreprise a débuté avec la prise de Ceuta en 1415.


Dans la même bulle, rédigée à la demande des Portugais, conservée à Lisbonne et jamais publiée, le pape se dit satisfait d'apprendre la conversion à la foi chrétienne d'une grande partie des noirs capturés ou achetés par les Portugais :
Exinde quoque multi Ghinei et alii nigri vi capti, quidam etiam, non prohibitarum rerum permutatione seu alio legitimo contractu emptionis, ad dicta sunt regna transmissi. Quorum inibi copioso numero ad Catholicam fidem conversi extiterunt, speraturque, divina favente clementia, quod si huiusmodi cum eis continuetur progressus, vel populi ipsi ad fidem convertentur, vel saltem multorum ex eis animae Christo lucrifient.
« Par conséquent, de nombreux Ghanéens et des Noirs capturés par la force, voire même parfois obtenus contre des biens qu’il est licite d’échanger, ou par un autre type d'achat légal, ont été envoyés vers vos domaines. Beaucoup d’entre eux se sont convertis à la foi catholique et l'on espère qu’avec l’aide divine, si les choses continuent sur cette voie, ces différents peuples se convertiront à la foi ou à tout le moins que beaucoup de ces âmes seront gagnées au Christ ».


D'aucuns voient aujourd'hui dans ce texte une approbation de l'esclavage et de la traite négrière. Quand est fulminée ladite bulle, les Portugais ont certes commencé pour certains à acheter et exploiter des esclaves noirs mais il ne s'agit encore que d'un phénomène marginal. Gardons-nous donc de surinterpréter le document et d'y voir une rupture avec les condamnations récurrentes de l'esclavage par l'Église catholique : le pape se réjouit simplement des conversions dans le cadre d'une nécessaire risposte à l'offensive sarrasine, ottomane ou musulmane. 


Beaucoup plus tard, le 29 mai 1537, alors qu'a débuté l'exploitation du Nouveau Monde et de ses habitants par les Espagnols, le pape Paul III adresse à l'archevêque de Tolède une sévère condamnation de l'asservissement des Indiens et menace d'excommunication ceux qui s'en rendraient coupables ! Dans le même temps, le 2 juin 1537, il publie la bulle Sublimis Deus par laquelle il rappelle que les Indiens ont une âme et qu'on ne saurait les priver de leur liberté, même s'ils re rallient pas la foi chrétienne.


Ces proclamations, même assorties de la menace d'excommunication pour les contrevenants, vont demeurer très largement inappliquées. C'est que les papes de cette période ont une autorité spirituelle réduite et les trafiquants et les marchands, aveuglés par le profit et protégés par l'éloignement, n'ont cure de leurs fulminations. De leur côté, dans le Nouveau Monde, les colons et leur famille s'en tiennent en matière d'esclavage à des accommodements plus ou moins « raisonnables » avec leur conscience... tout comme aujourd'hui dans d'autres domaines (morale sexuelle, avortement, etc.).


Alban Dignat
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