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Longtemps
personnalité préférée des Français, l'abbé Pierre, né Henri Grouès en
1912, "reste une conscience pour beaucoup. Notre société a besoin de
telles personnes, pour éviter de s'enfermer dans l'individualisme",
estime Patrick Doutreligne, délégué général de la Fondation Abbé Pierre,
qui lutte contre le mal-logement.
Si le fondateur des
chiffonniers d'Emmaüs (devenus ensuite les communautés d'Emmaüs), sa
barbe et sa capeline noire, restent présents dans les esprits, c'est
notamment pour son appel du 1er février 1954 sur les ondes de Radio
Luxembourg, qui marque le début de sa notoriété et de son combat: "Mes
amis aidez-moi, une femme vient de mourir gelée cette nuit à 03H00".
Décédé
le 22 janvier 2007, l'abbé est toujours une référence pour le grand
public, et encore plus pour les membres des 116 communautés Emmaüs, dont
beaucoup de Compagnons ont des anecdotes sur leur rencontre avec lui et
où "son portrait est partout", explique Christophe Deltombe, président
d'Emmaüs France.
Mais du côté des pouvoirs publics, "son message a
été oublié", regrette Patrick Doutreligne, "on est rentré dans une
logique purement économique, où les loyers et les charges locatives ont
explosé".
"Le problème du logement a été piétiné. Il y a un
déficit évident en matière d'hébergement, et malgré quelques efforts,
l'exclusion s'est accrue", résume Christophe Deltombe.
"L'abbé
Pierre me disait toujours: +est-ce que je n'ai pas travaillé pour
rien?+", raconte Patrick Doutreligne, certain cependant que "la
situation serait pire si on ne l'avait pas eu".
"Indigné avant le
mouvement des Indignés", le fondateur d'Emmaüs, célèbre pour ses "coups
de gueule", était un véritable "aiguillon" pour les pouvoirs publics,
rappelle Patrick Doutreligne. "Notre objectif est de continuer à
interpeller et à montrer ce qui ne va pas", ajoute le président de la
Fondation Abbé Pierre, dont le dernier "Rapport annuel sur le
mal-logement" en février tirait la sonnette d'alarme sur les 3,6
millions de mal-logés.
Dernier coup d'éclat médiatique, l'ancien
footballeur Eric Cantona, parrain de la Fondation, s'est lancé dans la
course aux parrainages pour l'élection présidentielle, afin de placer la
question du mal-logement sous les projecteurs.
"On garde à
l'esprit son slogan: la misère ça ne se gère pas, ça se combat", ajoute
Christophe Deltombe. Outre le mal-logement, Emmaüs se bat pour les
sans-papiers, les détenus sortant de prison, les familles endettées, le
développement durable ou contre les expulsions locatives.
L'abbé
Pierre est notamment à l'origine de la loi contre les expulsions
locatives hivernales, promulguée en 1998, et de la loi sur le Droit au
logement opposable (DALO), votée un an après sa mort.
Cette
dernière "a créé une obligation pour le gouvernement", souligne
Christophe Deltombe, mais "les résultats sont très en dessous des
espérances", ajoute Patrick Doutreligne.
"Le problème n'est pas
d'accéder à un droit, mais à un logement", insiste-t-il, estimant que
"l'abbé Pierre aurait encore de bonnes raisons de pousser des coups de
gueule".
"Il avait une facilité à ne jamais se contenter. (...)
C'était parfois décourageant, mais il avait raison, c'est le vrai
moteur. Tant qu'il y aura plus de trois millions de mal-logés, on n'a
pas le droit de s'en contenter".
http://news.fr.msn.com/m6-actualite/france/labb%C3%A9-pierre-conscience-oubli%C3%A9e-des-pouvoirs-publics-aurait-eu-100-ans