1er-19 juillet 1903Le premier Tour de France cyclisteEn juillet 1903, le premier Tour de France cycliste consacre le succès d'une invention vieille d'à peine deux décennies, la bicyclette, affectueusement surnommée «petite reine»
Cette épreuve s'acquiert immédiatement un immense succès tant dans la classe ouvrière que dans la bourgeoisie. Elle va traverser les épreuves du XXe siècle sans dommage, en se renouvelant sans cesse, et demeure l'épreuve cycliste la plus populaire du monde.
Une étape sur le Tour de France cycliste de 1903Soixante concurrents pour la gloire
Au tournant du XXe siècle, la bicyclette jouit d'un grand prestige et plusieurs courses sur piste (Les Six jours de la piste) ou sur route (Bordeaux-Paris, Paris-Roubaix, Paris-Brest-Paris...) attirent un nombreux public.
Un journaliste passionné de sport, Pierre Giffard, à l'origine des principales courses sur route, fonde en 1892 un quotidien consacré à son sport favori, Le Vélo. Imprimé sur papier vert, il atteint rapidement le tirage de 80.000 exemplaires.
Arrive l'Affaire Dreyfus. Giffard peine à cacher ses opinions dreyfusardes. Plusieurs fabricants de cycles et d'accessoires, d'opinion contraire, se détournent de lui et financent un journal concurrent, L'Auto-Vélo, dirigé par un ex-clerc de notaire devenu un chroniqueur sportif ambitieux, Henri Desgrange. Le nouveau journal sort le 16 octobre 1900, pendant la grande Exposition universelle de Paris. Pour se distinguer de son concurrent, il est imprimé sur papier jaune...
Emporté par sa passion,Giffard commet l'erreur d'écrire sur l'Affaire Dreyfus dans son journal, ce que beaucoup de lecteurs ne lui pardonnent pas. Desgrange jubile. Même s'il doit renoncer à son titre par décision de justice et ne plus s'appeler que L'Auto.
En quête de nouvelles idées, il se voit proposer par l'un de ses jeunes rédacteurs, Géo Lefèvre, l'idée, non plus d'une simple course sur route mais du Tour de France. L'annonce officielle en est faite par L'Auto le 19 janvier 1903.
Les 60 concurrents officiels de ce premier Tour de France cycliste partent le 1er juillet de Montgeron, en région parisienne (beaucoup d'autres s'associent à la course sans être inscrits).
Vingt arrivent au terme de l'épreuve, à Paris, le 19 juillet suivant, après avoir parcouru un total de 2428 kilomètres en six étapes, via Lyon, Marseille, Toulouse, Bordeaux et Nantes.
Le vainqueur est Maurice Garin (32 ans), un ramoneur originaire du Val d'Aoste. Il a pédalé un total de 94 heures 33 minutes à la vitesse moyenne de 26 km/h. Faut-il le préciser ? Il n'a utilisé de l'avis des spécialistes ni EPO ni aucun autre produit dopant (à l'exception du vin...).
Les avatars d'un solide centenaireD'une année sur l'autre, le Tour gagne en popularité, pour la plus grande satisfaction de ses créateurs, Henri Desgrange et Géo Lefèvre, et de L'Auto (son concurrent a cessé de paraître dès la fin 1903).
En 1913, l'épreuve emprunte pour la première fois les cols montagnards, notamment l'Aubisque et le Tourmalet, dans les Pyrénées. L'année suivante, la guerre éclate quelques jours après la compétition. Celle-ci reprend en 1919. À cette occasion, le vainqueur au classement général reçoit pour la première fois un maillot jaune (la couleur de L'Auto !).
Interrompu une nouvelle fois par la Seconde Guerre mondiale, le Tour reprend en 1947, à l'initiative de L'Auto, qui a changé son titre pour devenir L'Équipe. C'est toujours le quotidien de référence dans le domaine sportif en France. Le Parisien Libéré (aujourd'hui Le Parisien) participe également à la renaissance du Tour.
D'une année sur l'autre, les performances s'améliorent avec une vitesse moyenne toujours plus élevée. Au prix, parfois, de chutes dramatiques comme celle de Luis Ocaña, le 12 juillet 1971, dans le col de Mente, entre Revel et Saint-Gaudens, entraîné dans une descente folle par son rival Eddy Merckx. Gravement blessé, le coureur espagnol prendra sa revanche en remportant le Tour de 1973.
Le Tour de France est la seule épreuve avec un classement individuel par équipe : les victoires sont individuelles et chaque équipe a pour objectif de porter l'un des siens à la victoire. Le Tour a connu tantôt des équipes nationales, tantôt des équipes de marques (c'est le cas depuis 1969). Quoiqu'il en soit, c'est toujours aux champions que s'intéresse le public.
Les «Trente Glorieuses» font la part belle aux Français. Le premier est le Breton Louison Bobet (1925-1983), vainqueur en 1953, 1954 et 1955, devenu une légende vivante, plus encore que le Normand Jacques Anquetil (1934-1987), quintuple vainqueur (1957, 1961, 1962, 1963 et 1964). Ce dernier le cède même en popularité à son rival, le Corrézien Raymon Poulidor, «éternel second».
Jacques Anquetil et Raymond Poulidor au coude à coude dans les années 1960 (DR)
Ensuite vient le temps des coureurs étrangers. Le Belge Eddy Merckx gagne lui aussi cinq Tours, tout comme le Français Bernard Hinault...
Ne disons rien de l'Américain Lance Armstrong, qui a perdu tous ses titres pour cause de dopage avéré. Le dopage est un mal sans doute ancien auquel la mort prématurée de Bobet et Anquetil n'est sans doute pas étrangère. Il est à l'origine de la mort de Tom Simpson, qui s'est effondré au sommet du mont Ventoux le 13 juillet 1967, victime de la chaleur et d'un excès d'amphétamines. Il n'est hélas pas limité au cyclisme mais c'est dans cette discipline qu'il a été dénoncé avec le plus de vigueur dans les années 2000.
En dépit de Lance Armstrong et de ses déclarations aigres, le 100e Tour de France (2013) devrait retrouver la faveur du public.
Une popularité rentable et convoitéeDans ses débuts, la compétition était suivie par les riverains de la route, venus en spectateurs. Le reste de la population en avait connaissance à travers les articles très enlevés de la presse écrite. Les plus remarqués demeurent ceux d'Antoine Blondin (1922-1991). Cet écrivain et journaliste a contribué par son talent à forger la légende du Tour.
Mais dès 1929, la compétition est aussi suivie par la radio. Dans les années 1950, enfin, elle est télévisée en direct. Elle va du coup grandir en réputation et changer de nature...
Aujourd'hui, les spectateurs directs demeurent toujours très nombreux sur le bord des routes (environ 12 millions), avides tout autant de voir les coureurs que de courir eux-mêmes après les véhicules de la caravane publicitaire. Mais l'essentiel se passe devant le petit écran.
La compétition est filmée à hauteur d'homme et de plus en plus en hélicoptère, offrant de magnifiques vues sur les paysages de France. Dans le monde entier, pour 3,5 milliards de téléspectateurs, l'exploit sportif devient ainsi un prétexte à découvrir le patrimoine national, d'autant que le parcours change chaque année, avec une seule constante : l'arrivée des coureurs sur les Champs-Élysées (Paris).
Une étape sur le Tour de France cycliste de 2011 (DR)
Les villes et les collectivités ne s'y trompent pas. Depuis plusieurs décennies, elles sont entrées dans une concurrence féroce pour promouvoir leur capital touristique et se faire mieux connaître. Il s'ensuit de belles rentrées financières pour l'organisateur du Tour de France, ASO (Amaury Sport Organisation), une filiale du groupe Amaury, propriétaire également de L'Équipe et du Parisien.
Les étrangers ne sont pas restés indifférents à ce succès. Les pays voisins tels la Belgique et l'Italie ont organisé des Tours similaires. Les États-Unis et même la Chine y songent également, avec l'objectif de faire apprécier leurs paysages et de prendre leur part sur les recettes publicitaires du cyclisme.