Et si le Royaume-Uni revenait sur sa décision ?
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par Emmanuel Jarry
PARIS (Reuters) - Officiellement, la France demande à Londres et aux Européens de tirer rapidement les conséquences du vote britannique en faveur d'une sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne.
Mais en privé, des diplomates français n'excluent pas que le Royaume-Uni, prenant conscience du coût énorme d'un Brexit, finisse par y renoncer dans les mois ou les années à venir.
Le Premier ministre britannique, David Cameron, grand perdant du référendum de jeudi, et son rival conservateur, Boris Johnson, qui a fait campagne pour le Brexit, ont d'ailleurs montré qu'ils entendaient prendre leur temps.
David Cameron a repoussé à l'automne sa démission et laissé à son successeur le soin d'invoquer l'article 50 du traité de Lisbonne, première étape de la procédure, jusqu'ici sans précédent, de sortie de l'UE d'un pays membre.
"Il est vital de souligner qu'il n'y actuellement nul besoin de se hâter et en effet (...) rien ne changera à court terme", a pour sa part déclaré Boris Johnson. "Il n'y a aucune raison de se précipiter pour invoquer l'article 50."
François Hollande a au contraire souhaité que les procédures prévues par les traités européens soient "rapidement appliquées" pour couper court à toute période d'incertitude.
Le chef de l'Etat français demande "que l'application des règles pour la sortie se fasse dans les délais les plus courts car (...) il faut que les choses soient claires", a expliqué le porte-parole du gouvernement, Stéphane Le Foll.
"Il faut que (...) l'ensemble des acteurs économiques puissent savoir où nous allons et comment nous y allons", a-t-il ajouté, à l'issue d'un conseil des ministres extraordinaire.
Le calendrier est semé d'embûches et les Britanniques en détiennent la clef dès lors qu'ils peuvent choisir le moment de notifier à Bruxelles leur demande officielle de sortie.
Les Espagnols ont des élections législatives dimanche. Le président du Conseil italien, Matteo Renzi, a un référendum sur une réforme constitutionnelle en octobre. Les principaux partis français seront ensuite occupés par des primaires, puis par des élections présidentielle et législatives l'an prochain.
"SAUT DANS L'INCONNU"
L'Allemagne a aussi des élections en 2017, qui verra la fin du mandat du président du Conseil européen, Donald Tusk.
De quoi laisser craindre aux dirigeants français que Londres profite de ce que les Européens, dont Paris et Berlin, aient la tête ailleurs pour jouer la montre et obtenir des concessions.
Mais des diplomates français ont une autre perception de la situation et n'excluent pas un futur revirement britannique.
L'histoire de l'Union européenne est jalonnée de nouveaux votes après un référendum perdu, comme en France, au Danemark et en Irlande, fait valoir l'un. "C'est un sujet, on en discute", disait-il quelques jours avant le référendum britannique.
Un autre mise sur une prise de conscience des Britanniques quand ils mesureront le coût économique et politique du Brexit. Pour eux aussi, c'est un "saut dans l'inconnu", fait-il valoir.
La succession de David Cameron sera tout sauf facile. Et le parti conservateur est si déchiré entre pro- et anti-Brexit que trouver une majorité aux Communes ne sera pas aisé.
Si l'Ecosse et l'Irlande du Nord, qui ont voté massivement pour le maintien dans l'UE, menacent de quitter le Royaume-Uni, cela peut aussi faire réfléchir l'opinion publique.
"Rien ne doit être exclu, y compris parce qu'on risque d'avoir une crise politique", souligne ce diplomate.
Dans ce cas de figure, comme dans celui d'un Brexit consommé et assumé, le chemin est en tout cas étroit.
Une partie du gouvernement français paraît tenté par une "fermeté absolue" à l'égard des Britanniques, selon la formule d'un ministre favorable à cette ligne.
Pour le ministre des Affaires étrangères, Jean-Marc Ayrault, il importe au contraire d'éviter tout esprit de revanche, qui reviendrait non seulement à "punir" collectivement les électeurs britanniques qui ont "mal voté", mais également la masse de ceux qui ont voté en faveur du maintien dans l'UE.
Selon une source proche du gouvernement, ces deux lignes ont donné lieu à un débat interne au gouvernement français vendredi matin et "François Hollande a fait la synthèse".
(Edité par Yves Clarisse)
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