Le Canada présente ses excuses aux autochtones
Thierry Portes
11/06/2008
Le premier ministre canadien, Stephen Harper, a présenté mercredi devant le Parlement les excuses officielles de son pays à quelque 80 000 autochtones ayant été soumis à une assimilation forcée dans les pensionnats dirigés par des institutions chrétiennes. Son homologue australien l'avait précédé, par un acte public de contrition, en février dernier.
Les peuples premiers d'Australie et du Canada ont en commun, parmi nombre de traitements inhumains que leur réservèrent les colons européens, d'avoir été soumis pendant le XIXe siècle jusqu'aux années 1970 à ce qui est parfois décrit comme un «génocide culturel» : les enfants des autochtones, selon un plan fédéral, étaient retirés à leur famille pour être placés dans des pensionnats religieux, où il leur était interdit de parler leur langue maternelle, et où nombre d'entre eux subirent de surcroît violences et abus sexuels. Sous le regard de l'ONU, qui a voté un texte défendant les droits des peuples premiers il y a moins d'un an, cette repentance est toutefois menée à pas comptés, l'Australie et le Canada ne souhaitant pas ouvrir le coûteux dossier des indemnisations et moins encore celui conduisant éventuellement vers l'indépendance de certains territoires.
Au Canada, les autochtones regroupent les Indiens, les Métis et les Inuits, répartis en quelque 640 communautés différentes. Selon le dernier recensement de 1986, ils sont environ 1,2 million, soit 3,8 % de la population globale canadienne (33 millions). Parmi eux, les Indiens sont de loin les plus nombreux (plus de 60 %), suivis par les Métis, issus de la rencontre entre les Européens et les Indiens à l'époque du commerce des fourrures à la fin du XVIIIe siècle environ 30 % , les Inuits n'étant guère plus que 4 %.
Une enveloppe de 5 milliards
Selon les statistiques officielles, une soixantaine de langues autochtones continuent d'être parlées, mais seulement trois ne semblent pas menacées à long terme : le cree, langue indienne la plus employée, suivie par l'objibway, l'inuktitut n'étant plus parlé que par un Inuit sur deux. Toutes ces populations sont en revanche touchées par les mêmes maux chômage, alcoolisme, suicide , ce qui se traduit par une espérance de vie inférieure de cinq à sept ans à la moyenne nationale.
Systématisée après la loi sur les Indiens de 1876, la politique des «pensionnats autochtones», par lesquels passèrent au total quelque 150 000 enfants, fut, selon le chef de l'Assemblée des premières nations, «le chapitre le plus sombre de notre histoire. À défaut de pouvoir tuer tous les Indiens, ils ont décidé de tuer l'Indien dans l'enfant», explique Phil Fontaine, qui a passé dix ans dans un de ces pensionnats. Le Canada a prévu une enveloppe de près de 5 milliards pour l'indemnisation des victimes, chaque ancien pensionnaire pouvant recevoir 10 000 dollars, plus 3 000 dollars par année passée dans ces établissements. Mais de la repentance à la réparation financière, le chemin de croix des Indiens promet de durer.
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