Georges Picherot, une vie au chevet des marmots vendredi 29 mars 2013
Ce vendredi, Georges Picherot, chef de
service de pédiatrie du CHU de Nantes, raccroche sa blouse. Une dernière
journée pleine d'émotions qu'il va « essayer de banaliser ».
Marc Roger
Portrait
« En quarante ans, la pédiatrie a connu des
avancées majeures. En quarante ans, ce qui n'a pas changé, c'est le
bazar dans mon bureau... »Georges Picherot
sourit discrètement. Derrière les lunettes rondes, le regard est
toujours aussi bienveillant. Le médecin quitte ce vendredi le CHU de
Nantes. Dernier tour de piste d'une carrière
« intense » embrassée très tôt.
En
1967, à 17 ans, Georges Picherot choisit la médecine. À Nantes, un
stage auprès du pédiatre Paul Lemoine détermine son avenir.
« Il
avait une sensibilité sociale très forte. Il a décrit le syndrome
d'alcoolisation foetale en 1968. À cette époque, il était très contesté,
on pensait que l'alcool chez la femme enceinte n'avait aucune incidence
sur le bébé. » C'est décidé,Georges Picherot soignera les mômes, à l'hôpital public et pas ailleurs. Un engagement
« personnel et politique ».
Quand il débute, les nourrissons venus au monde trop tôt ne survivent
pas, on ne se préoccupe pas de la douleur de l'enfant. À cette époque,
papa et maman restent à la porte.
« On a compris petit à petit qu'un enfant se soigne avec ses parents. Ils doivent pouvoir venir jour et nuit dans nos services. »« Je n'ai rien oublié »
Après
quelques années à Paris, Georges Picherot revient au bord de l'Océan
qu'il aime tant, en 1981, comme pédiatre à l'hôpital de Saint-Nazaire.
C'est là qu'il prend conscience des demandes croissantes et des besoins
particuliers des ados, qui lui doivent beaucoup. Il crée en 2007 la
Maison départementale des adolescents,
« une réussite, une vraie joie de voir réfléchir ensemble des intervenants si différents ».En
2001, il rejoint Nantes, sa ville natale. Entouré d'une centaine de
personnes, il développe au CHU la prise en charge des maladies
chroniques (diabète, maladie cardiaque, rénale, etc.), ouvre un accueil
réservé aux enfants maltraités.
« Un travail de dix ans », souffle cet humaniste, satisfait du devoir accompli. Son dernier fait
d'armes : la création de l'hôpital de jour pour ados où l'on soulage
l'ensemble de leurs maux.Considérer le corps et l'esprit pour mieux guérir est l'une de ses certitudes.
« Il y a encore du boulot pour convaincre les médecins, pour faire tomber les frontières des spécialités. » Lui si calme peut se fâcher contre l'
« isolement » et le conservatisme de certains mandarins. Il fait
« confiance » à son
« équipe incroyable » (Christèle Gras-Le Guen le remplace désormais) pour suivre cette voie.
Même s'il se dit serein à l'heure du départ, refaire le chemin n'est pas simple pour cet homme si pudique.
« Je savais que ce métier serait difficile émotionnellement, des situations sont insupportables... Oui, on pleure, même quand on est un vieux médecin... » Ses yeux se voilent lorsqu'il parle de cette petite fille de 6 ans,
atteinte d'une leucémie. Lui et ses amis étudiants s'étaient cotisés
pour lui offrir une télévision,
« la première à entrer dans le service... ». La fillette n'a pas survécu.
« Je n'ai rien oublié... Pour les enfants, on a envie de progresser, on ne peut pas s'asseoir cinq minutes sur ses acquis. »Dans
les moments durs, il a puisé du réconfort auprès de sa femme, pédiatre
elle aussi, et de leurs trois filles. Sa liberté retrouvée, il veut la
partager avec elles et ses six petits-enfants. Prendre son temps pour
écouter la radio, monter à cheval, arpenter la Bretagne. Fin avril, il
prend le large avec des amis, cap sur Cuba. On l'imagine très bien en
vieux loup de mer, force tranquille riche des histoires traversées, des
expériences vécues. Bon vent, docteur.
Magali GRANDET.
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