Anne Quatre-Sous se travestit pour incorporer l’armée révolutionnaireEn pleine Révolution, éprise à l’âge de treize ans de patriotisme ardent, Anne Quatre-Sous s’habille en homme et se porte volontaire aux bataillons de son Isère natale avant qu’une blessure entraînant la découverte de la supercherie ne la contraigne à quitter les drapeaux. Dans sa séance du 3 floréal an II (22 avril 1794), la Convention lui accordera une pension sur le rapport du député Gossuin, dont le Moniteur n°215 donne un extrait.
« La citoyenne Anne Quatre-Sous n’a pas seize ans : il y en a trois que, par une de ces inspirations soudaines que l’amour de la patrie peut seul inspirer, elle s’est, à la faveur d’un déguisement, rangée sous les drapeaux de la République.
« C’est en vain qu’elle fut d’abord repoussée par l’âge et la taille, lorsqu’elle se présenta en mai 1791 au milieu des citoyens de son canton, pour servir comme volontaire ; sa résolution s’est fortifiée par les obstacles mêmes, et elle est parvenue à s’engager à la conduite des chevaux d’artillerie de la Vendée ; elle fut ensuite à l’armée du Nord et de là dans la Belgique. C’est dans cette contrée que cette courageuse citoyenne a concouru à nos premiers succès, et s’est exposée à tous les dangers, toujours à la conduite des canons, aux sièges de Liège, d’Aix-la-Chapelle, de Namur et de Maëstricht.
Le général Jacques Fromentin« De retour dans le Nord, elle a été au siège de Dunkerque et à la bataille d’Hondschoote où elle eut deux chevaux tués sous elle, après avoir été elle-même renversée par le souffle d’un boulet. Lors du bombardement de Valenciennes, où elle se trouva, elle fut réduite à vivre de la chair de cheval pendant trois jours. Tels sont les principaux traits de civisme dont l’adolescence de cette intrépide républicaine se trouve déjà honorée.
« A juger de son exactitude à remplir ses devoirs, à la décence de son maintien et de sa persévérance à taire son secret, il n’y a pas de doute que son intention ne fût de rester à l’armée pendant toute la durée de la guerre. Mais quoiqu’elle n’eût confié son secret à personne, un hasard imprévu l’a trahi, et dès lors il ne lui a été pus possible de suivre son inclination belliqueuse, qui n’est pas moins digne d’admiration. C’est ainsi que s’exprime le certificat de tout le corps d’artillerie auquel cette jeune héroïne était attachée, et du général Fromentin, commandant une division de l’armée du Nord. Il constate qu’elle ne s’est jamais fait remarquer que par le courage et le patriotisme les plus prononcés... »
Le député poursuit : « Dans le dénuement le plus absolu où elle s’est trouvée en arrivant à Paris, elle s’est présentée au Comité de la Guerre de la Convention, qui l’a renvoyée auprès du Ministre de l’Intérieur pour une provision de 150 livres qu’elle a obtenue ; mais elle attend de la justice nationale le sort qu’elle estimera devoir lui accorder d’après le témoignage authentique des vertus civiques dont cette jeune citoyenne a constamment donné l’exemple pendant les trois ans qu’elle a combattu, ignorée et sans appui, sous les drapeaux de la République. »
Après la lecture de ce rapport, la Convention rendit un décret portant que « la citoyenne Quatre-Sous jouira pendant sa vie sur le trésor national d’une pension de 300 livres, laquelle sera augmentée de 200 livres à l’époque de son mariage. Il lui sera en outre passé par la Trésorerie nationale, sur la présentation du décret, une somme de 150 livres, pour se procurer des vêtements. » Que devint ensuite Anne Quatre-Sous, nous l’ignorons, nous ne trouvons nulle part sa trace, ni dans les journaux de l’époque, ni dans aucun rapport. Son tombeau comme son berceau sont encore ensevelis dans le mystère.