6 juin 1944 - Le débarquement de NormandieLe 6 juin 1944, à l'aube, une armada de 4266 navires de transport et 722 navires de guerre s'approche des côtes normandes. Elle s'étale sur un front de 35 kilomètres et transporte pas moins de 130.000 hommes, Britanniques, Étasuniens ou Canadiens pour la plupart. Plus de 10.000 avions la protègent.
Baptisé du nom de code « Overlord » (suzerain en français), cette opération aéronavale demeure la plus gigantesque de l'Histoire, remarquable autant par les qualités humaines de ses participants que par les prouesses en matière d'organisation logistique et d'innovation industrielle et technique. Elle était attendue depuis plus d'une année par tous les Européens qui, en Europe occidentale, luttaient contre l'occupation nazie.
Scène de débarquement le 6 juin 1944 (Overlord)
Les Anglo-Saxons s'entendent pour en finirAprès des victoire fulgurantes sur tous les fronts de 1939 à 1941, les Allemands ont éprouvé leur premier revers à El-Alamein, en octobre 1942, face aux Anglais (et des Français), et dès lors, n'ont plus cessé de perdre du terrain, essuyant leur plus grave défaite à Stalingrad, face aux Soviétiques.
Les Anglo-Saxons (Américains et Britanniques) débarquent en Afrique du Nord le 8 novembre 1942 et du 14 au 24 janvier 1943, le président américain Franklin Roosevelt et le Premier ministre britannique Winston Churchill tiennent conférence à Casablanca sur la poursuite de la guerre.
Ils se mettent d'accord pour exiger une reddition sans condition de l'Allemagne, de l'Italie et du Japon et dressent des plans pour hâter la fin de la guerre avec l'aide de leur nouvel allié, l'URSS de Staline.
Priorité aux attaques périphériquesChurchill veut privilégier les attaques périphériques plutôt qu'une attaque directe sur l'Allemagne. Il convainc Roosevelt de lancer un débarquement en Italie.
C'est ainsi que le 10 juillet 1943, les Anglo-Saxons prennent pied en Sicile... avec la complicité de la Mafia new-yorkaise . Ils remontent lentement la péninsule italienne avec le concours efficace du général français Alphonse Juin et de ses Français Libres, parmi lesquels de nombreux Nord-Africains. Le général Henri Giraud et la Résistance française en profitent pour libérer la Corse.
Mais cette stratégie qui privilégie les attaques périphériques atteint rapidement ses limites. Bien que chancelant, le régime nazi se montre plus terrifiant que jamais et redouble d'énergie dans la répression des mouvements de résistance et l'extermination des Juifs.
À l'Est, les Soviétiques progressent irrésistiblement au prix d'immenses sacrifices et malgré une résistance acharnée de la Wehrmacht. À la fin 1943, ils atteignent le Dniepr et la ville de Kiev, en Ukraine. Mais ils peinent à poursuivre leur avancée malgré le matériel fourni par les États-Unis.
Staline, Roosevelt et Churchill à la conférence de Téhéran (28 novembre-1er décembre 1943)
Staline réclame à ses alliés Churchill et Roosevelt d'ouvrir sans tarder un second front sur le continent européen pour le soulager.
Les trois chefs d'État alliés se rencontrent pour la première fois à Téhéran, du 28 novembre au 1er décembre 1943. C'est là qu'ils discutent des modalités du débarquement de Normandie. C'en est fini des attaques périphériques.
L'Allemagne est désormais la cible principale.Dès la fin 1943, le débarquement est préparé dans le plus grand secret en Angleterre. Celle-ci devient un immense camp retranché avec partout des camps militaires, des aéroports de fortune... et 3.500.000 hommes venus de tous les pays alliés mais aussi des pays occupés. Ils sont entraînés intensivement en prévision du Jour J (« D Day » en anglais).
Les prémices du Débarquement et de la bataille de Normandie, Henri Turenne, 1960, INA (Institut National de l'Audiovisuel)Le plus qualifié pour diriger l'opération serait le général américain George Marshall mais le président Roosevelt veut le garder à ses côtés.
Le commandement revient donc à l'un de ses adjoints, le général Dwight Eisenhower, dit « Ike », un Texan de 54 ans préféré au général George Patton, jugé trop impulsif...
IntoxDwight Eisenhower et ses adjoints, les généraux américains Omar Bradley et George Patton ainsi que le maréchal britannique Bernard Montgomery, décident de débarquer en Normandie, au sud de la Seine.
Le général Dwight Eisenhower s'entretient avec un parachutiste avant le Jour JIl faut dire qu'une tentative de débarquement à Dieppe, au nord de la Seine, le 19 août 1942, s'est soldée par le sacrifice d'une division canadienne. Ce drame leur a prouvé qu'il est vain de vouloir s'emparer des grands ports du Nord de la France.
Par contre, les plages de sable qui s'étendent entre l'estuaire de la Seine et la presqu'île du Cotentin (plus précisément entre l'Orne, la rivière qui traverse Caen, et la Vire, la rivière qui traverse Saint-Lô) se prêtent à un débarquement rapide et sont moins bien défendues que les ports du nord.
L'arrière-pays du Cotentin a toutefois été inondé par les Allemands dès janvier 1944 et protégé contre d'éventuels atterrissages par des pieux, tranchées, mines etc.
L'objectif est d'installer une tête de pont sur ces plages puis de s'emparer du port en eau profonde de Cherbourg, à la pointe du Cotentin, afin d'intensifier les débarquements d'hommes et de matériels.
Le 27 avril 1944, un incident dramatique fait douter de la capacité des troupes et de la faisabilité de l'opération : des jeunes Américains à l'entraînement sur la plage de Slapton Sands, au sud de l'Angleterre sont attaqués par des vedettes allemandes venues de Cherbourg. Dans la panique, 120 sont tués par les Allemands... et 300 par des tirs amis !
Pendant ce temps, au début de l'année 1944, les Soviétiques franchissent le Dniepr et envahissent la Roumanie et la Bulgarie.
Pour les Allemands, la défaite n'est plus qu'une question de mois malgré les impressionnantes fortifications qui parsèment le littoral océanique des Pyrénées à la Norvège. Ce fameux « mur de l'Atlantique » (Atlantikwall en allemand) a été construit en toute hâte par l'Organisation Todt, mobilisant 450.000 soldats et travailleurs sur 6000 kilomètres, de la Norvège aux Pyrénées et sur le littoral méditerranéen.
Il demeure inachevé dans la partie normande, là même où aura lieu le débarquement allié et, à vrai dire, les gradés allemands eux-mêmes ne croient pas vraiment qu'il puisse arrêter un débarquement éventuel. Ils en auraient été d'autant moins convaincus s'ils avaient su que les Alliés détenaient depuis deux ans déjà les plans détaillés des fortifications, de Cherbourg à Honfleur, grâce à l'action d'éclat d'un peintre résistant de Caen.
Le maréchal Rommel inspecte le mur de l'Atlantique avant le Débarquement de juin 1944Hitler lui-même attend avec impatience le débarquement. Il croit pouvoir le repousser aisément et, de la sorte, mettre hors jeu les Anglo-Saxons avant de reporter toutes ses forces contre l'Armée rouge ! Sur la foi de l'Abwehr (les services secrets allemands), il est convaincu que le débarquement allié aura lieu au nord de la Seine, à l'endroit le plus étroit de la Manche et à 300 kilomètres seulement du centre industriel de la Ruhr.
Un char gonflable dans le Kent (opération Fortitude, printemps 1944)Les Alliés font de leur mieux pour l'en convaincre. Ils montent pour cela l'opération « Fortitude » (courage en français), avec, face au Pas-de-Calais, dans la campagne du Kent, une impressionnante concentration de blindés en baudruche gonflable et d'avions en contreplaqué. Ils laissent croire au rassemblement d'un million d'hommes sous le commandement du prestigieux général Patton.
Cette intoxication s'avère à tel point réussie que Hitler persistera à croire jusqu'en juillet 1944 que le véritable débarquement aura lieu dans le Nord. Cela permettra aux Alliés de n'affronter que 17 divisions allemandes sur les 50 présentes dans la région, les autres attendant dans le Nord un deuxième débarquement qui ne viendra jamais.
Les forces allemandes de Normandie totalisent près de 300.000 hommes. Elles sont placées sous le haut commandement du prestigieux feld-maréchal Erwin Rommel.
Comme le temps est mauvais sur la côte normande dans les premiers jours de juin et exclut toute tentative de débarquement, Rommel prend la liberté d'une virée automobile en Allemagne pour fêter l'anniversaire de sa femme (compromis dans un attentat contre Hitler, il va être contraint au suicide le 10 octobre 1944).
Le maréchal Rommel inspecte les troupes en Normandie au printemps 1944 Rommel n'a pas prévu que le temps allait subitement se mettre au beau dans la nuit du 5 au 6 juin. Cette nuit-là, il n'y a que 50.000 soldats de la Wehrmacht pour faire face à l'armada alliée. Parmi eux une moitié de non-Allemands et en particulier beaucoup de Slaves engagés de force, les Osttruppen, dont la valeur guerrière n'est pas la première qualité.
Qui plus est, plusieurs officiers supérieurs ont, comme Rommel, profité du mauvais temps pour aller faire une virée, qui à Paris qui à Rennes. Au château de La Roche-Guyon, sur les bords de la Seine, le général Hans Speidel, chef d'état-major de l'armée de Normandie, tient un conciliabule avec des complices en vue de se débarrasser du Führer !
Quant à celui-ci, il s'est couché tard après une longue soirée entre amis et a demandé expressément à ne pas être réveillé !
À Paris, le commandant en chef des forces de l'Ouest Gerd von Rundstedt demeure persuadé, comme Hitler, que le véritable débarquement aura lieu dans le Pas-de-Calais. Quand, le soir du 5 juin, il reçoit de premières informations sur les brouillages des radars et la multiplication des messages codés à destination des résistants normands, il refuse de les prendre en considération. Les escadrilles de la Luftwaffe demeurent loin de la côte, de même que les divisions de Panzer, tenus en réserve dans l'attente de l'hypothétique débarquement du Pas-de-Calais.
Débarquement à haut risqueEn raison de la tempête qui sévit sur la Manche, le général Dwight Eisenhower a déjà reporté le débarquement du 4 au 6 juin. Si la tempête persiste, il faudra un nouveau report de deux semaines...
– Le 5 juin, à 4h15, le général est informé par le responsable de son service météo d'une accalmie de 36 heures au-dessus de la Manche. Après quelques minutes de réflexion, il décide d'engager sans délai l'opération Overlord tout en rédigeant un communiqué pour le cas où l'opération échouerait.
– Dans la nuit du 5 au 6 juin, le Débarquement commence par une immense opération aéroportée qui ferait passer les films de James Bond pour d'aimables bluettes. Au début de la nuit, les Alliés larguent d'abord de faux parachutistes, des mannequins gonflables qui crépitent et explosent en touchant le sol. Ils ont pour effet d'affoler les troupes allemandes et de les disperses dans l'arrière-pays !
Pathfinders ou éclaireurs anglo-saxons, avec leur parachutage au-dessus du Cotentin (5 juin 1944)
Vers minuit, trois cents éclaireurs (pathfinders) sont parachutés pour de bon derrière les marais du littoral, sur la presqu'île du Cotentin. Ils balisent les terrains d'atterrissage destinés aux planeurs qui les suivent.
23.500 parachutistes de trois divisions aéroportées (2395 avions et 867 planeurs) sont lâchés derrière les lignes allemandes. Leur mission est de dégager la plage baptisée Utah et de couper la route nationale qui relie Caen à Cherbourg à Sainte-Mère-Église.
Un incendie accidentel se déclare à 22h30 dans une maison de ce village et sa lueur va guider les avions vers leur objectif.
Mais certains parachutistes de la division 101e Airborne tombent par erreur au centre du village, où ils sont mitraillés par les Allemands avant d'avoir touché terre. L'un d'eux, John Steele, relativement chanceux, reste toute la nuit accroché au clocher.
Planeurs alliés abandonnés dans le bocage normand après la nuit du 6 juin 1944D'une manière générale, l'opération aéroportée frôle le fiasco : du fait de la tempête, les planeurs et les parachutistes atterrissent plus ou moins loin de leurs objectifs et souvent dans les marais, les arbres ou les talus. Mais ce désordre a aussi pour effet bienvenu de désorganiser les garnisons allemandes qui ne savent plus où donner de la tête.
Dans le même temps, des hommes-grenouilles cisaillent les barbelés posés par les Allemands en mer.
À l'intérieur des terres, les réseaux de résistance s'activent. Ils ont été avertis du débarquement par des messages codés de la radio anglaise, la BBC.
Parmi eux deux vers de Verlaine :
« Les sanglots longs des violons de l'automneBercent mon coeur d'une langueur monotone ».Le jour JAu matin du Jour J, à 5h30, les avions alliés et une demi-douzaine de cuirassés bombardent les fortifications des plages et des falaises.
Une heure plus tard, cinq divisions (deux américaines, deux britanniques et une canadienne) commencent à débarquer sur autant de plages aux noms codés. De l'ouest vers l'est, Utah et Omaha (troupes américaines), Gold (troupes britanniques), Juno (troupes canadiennes) et Sword (troupes britanniques et détachement français).
Les hommes progressent sur les plages sous le feu des Allemands qui tirent du haut des blockhaus, ces derniers étant eux-mêmes pilonnés par les cuirassés alliés depuis le large.
La résistance de la Wehrmacht est rude en dépit de la médiocrité des troupes.
Overlord -
Utah Beach :
Casemate allemande près de Utah Beach (Les-Dunes-de-Varraville, Calvados), juin 1944
La défense d'Utah, à l'est de Sainte-Mère-Église, est assurée par un lieutenant de 23 ans, Arthur Jahnke, qui a sous ses ordres 75 hommes, en général de jeunes gens polonais ou baltes enrôlés de force.
Ces soldats mal armés et peu motivés se rendent sans trop de résistance. Le soir même du 6 juin, 23.000 hommes ont pu débarquer sur la plage au prix de seulement 200 victimes. Le plus dur pour eux sera la traversée des marais dans l'arrière-pays, avec leur barda de 34 kilos.
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Pointe du Hoc :
À l'ouest de la plage Omaha, un commando de Rangers escalade avec grappins, échelles et cordes la pointe du Hoc sous le feu ennemi. On lui a demandé de détruire à titre préventif une grosse batterie d'artillerie mais quand les survivants du commando arrivent à l'endroit en question, c'est pour s'apercevoir que les six canons de la batterie ont été démontés et mis à l'abri par crainte des bombardements !
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Omaha Beach :
Les Alliés éprouvent leurs plus grandes difficultés sur la plage Omaha. Les bombardiers qui devaient frapper préventivement les défenses allemandes ont craint de toucher les barges qui se dirigeaient vers la côte et, du coup, ont largué leurs bombes trop loin à l'intérieur des terres et manqué leurs objectifs.
Les soldats sont fauchés par la mitraille dans les barges de débarquement ou sur la plage. Les survivants piétinent plusieurs heures sur le sable. Les opérations de débarquement sont interrompues et le repli est même un instant envisagé par le général Bradley, au risque de compromettre toute l'opération Overlord !
C'est le colonel George A. Taylor qui sauve la mise. À peine débarqué à 8h15, il rassemble ses hommes et leur lance : « Il y a deux sortes d'hommes sur cette plage : ceux qui sont morts et ceux qui vont mourir. Foutons le camp d'ici ». Avec les soldats du génie, il finit par ouvrir une brèche dans les défenses et pénétrer dans l'arrière-pays. Sur le coup de midi, la plage est pacifiée.
Scène du débarquement à Omaha Beach, le 6 juin 1944, par le photographe de guerre Franck Capa (DR)
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Gold Beach :
Les 25.000 Britanniques de la première vague d'assaut arrivent à débarquer sur cette plage sans rencontrer trop de résistance. Se dirigeant vers l'intérieur des terres, ils ont qui plus est la satisfaction d'être acclamés par les villageois.
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Juno Beach :
Les 13.000 Canadiens auxquels a été dévolue la plage Juno débarquent avec quelques dizaines de minutes de retard, à partir de 7h55. Retard fatal : la marée qui commence à remonter recouvre les pièges et les mines enfouis dans le sable. Plusieurs barges sont touchées. Les hommes n'en arrivent pas moins à débarquer et traverser la plage. Se dirigeant vers l'intérieur, ils se heurtent à une division de Panzer que le général von Runstedt a pu enfin mettre en service, avec l'agrément du Führer.
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Sword Beach :
Les Britanniques arrivent sans trop de mal à débarquer sur la plage Sword et dès 7h30, celle-ci est dégagée. Les fusiliers marins du capitaine de corvette Philippe Kieffer se dirigent vers le casino de Riva-Bella, transformé par les Allemands en forteresse. De son côté, la brigade du commandant Lord Lovat se dirige sans attendre vers le pont de Bénouville, rebaptisé Pegasus Bridge, surla Dives. Il a été neutralisé avec brio, dans la nuit, par un groupe de parachutistes et il importe de le garder intact pour faciliter la pénétration des troupes vers l'intérieur du pays.
Prise des fortifications allemandes au-dessus de la falaise d'Omaha Beach (6 juin 1944)
Une tête de pont cher payéeLa chance sourit en définitive aux Alliés. Pendant toute la journée, ils n'ont à affronter que deux avions de chasse allemands. Quant aux redoutables Panzers ou chars d'assaut allemands, ils sont inexplicablement restés en réserve à l'intérieur des terres, mis à part une contre-attaque au petit matin sur Sainte-Mère-Église.
C'est ainsi qu'à la fin de la journée, malgré les cafouillages et les fautes du commandement, 135.000 hommes ont déjà réussi à poser le pied sur le sol français.
Le cimetière américain de Colleville-sur-mer (DR)
Les émouvants cimetières blancs des falaises témoignent encore aujourd'hui du prix de ces actions héroïques, sanglantes et souvent désordonnées.
Les Américains déplorent 3.400 tués et disparus, les Britanniques 3.000, les Canadiens 335 et les Allemands 4.000 à 9.000. Les trois cinquièmes des pertes alliées se sont produites sur la plage Omaha. Mais, au total, les pertes des Alliés s'avèrent beaucoup moins importantes que le général Eisenhower ne le craignait.
À noter la présence de 177 fusiliers-marins des Forces Françaises Libres sous le commandement du capitaine de corvette Philippe Kieffer parmi les troupes canadiennes qui ont débarqué à Sword. Ce commando français s'illustre dans la prise du port d'Ouistreham.
Au soir du 6 juin, les Alliés ont finalement réussi à établir une tête de pont sur la côte. Ils n'ont pas atteint tous les objectifs fixés par l'état-major, en particulier la prise de Caen, confiée aux Britanniques, mais leur implantation est solide et ils peuvent mettre en place toute la logistique indispensable à une offensive de longue haleine.
Débarquement sur le port artificiel d'Arromanches après le 6 juin 1944 (Overlord)
Une logistique innovanteLe débarquement de Normandie a été préparé pendant deux ans et a donné lieu à une mobilisation industrielle et technologique sans précédent.
Les navires de transport de troupes étant inaptes à accoster sur les plages, on a prévu de faire débarquer les soldats à marée basse grâce à des barges d'assaut spéciales construites à La Nouvelle-Orléans par l'industriel Andrew Jackson Higgins. Ces « Higgins Boats » s'ouvrent à l'avant pour libérer 36 hommes de troupe en tout juste 19 secondes.
On a conçu aussi des tanks amphibies, les « Hobart's Funnies » du général Hobart. Ces engins ont permis d'ouvrir le passage aux soldats sur les plages d'Utah, Gold, Juno et Sword (leur absence à Omaha a contribué aux difficultés du débarquement sur cette plage).
Le Premier ministre Winston Churchill, puits d'idées sans fond, a aussi lancé avec l'amiral Mountbatten l'idée d'un port artificiel. Un tel port a pu être aménagé en quelques jours sur une plage du village Arromanches-les-Bains, près de Gold, à quelques kilomètres de Bayeux. Il a permis de faire suivre le matériel et le ravitaillement indispensables à la poursuite de l'offensive.
Dès le 6 juin, plusieurs dizaines de vieux navires surnommés gooseberries (indésirables en français) ont été coulés parallèlement à la plage d'Arromanches pour constituer une digue de fortune. Plus au large, des radeaux métalliques appelés bombardons ont constitué des brise-lames flottants.
Caissons Phoenix autour du port artificiel d'Arromanches en juin 1944 (doc : musée d'Arromanches)La digue a été renforcée dans les jours suivants par d'énormes caissons en béton de 7000 tonnes, les « Mulberry Harbours ». Ces caissons dont la longueur pouvait atteindre 65 mètres avaient été préfabriqués sur les bords de la Tamise puis remorqués jusqu'en Normandie pour être mis en eau et coulés devant la plage.
Pour l'accostage des navires à l'intérieur du port artificiel ainsi créé, on aménagea des pontons flottants avec des flotteurs coulissant le long de piliers ancrés au fond de l'eau. Ce principe innovant a été repris plus tard par les compagnies pétrolières pour l'aménagement de plate-formes offshore. Les pontons étaient reliés à la plage par des passerelles métalliques posées sur des barges.
Cette logistique impeccable a permis aux Alliés de débarquer en dix jours 557.000 hommes, 81.000 véhicules et 186.000 tonnes de matériels divers.
À la fin juillet, ils ont débarqué pas moins de 1.500.000 hommes, aidés de manière non négligeable par les actions de la Résistance française (celle-ci a saboté en particulier plusieurs centaines de voies ferrées, bloquant l'arrivée de renforts allemands).
À la fin août, 2 millions d'hommes, 438.000 véhicules et 3 millions de tonnes de matériels ont déjà débarqué sur le sol français.
Le port artificiel d'Arromanches-les-Bains (Calvados) en juin 1944, près de la plage Gold (doc : musée d'Arromanches)
La « guerre des haies »Les Anglo-Saxons avaient prévu dans les moindres détails le débarquement et l'occupation des plages mais ils avaient sous-estimé les difficultés du combat dans le bocage normand, avec ses haies très denses qui freinent la progression des blindés et privent les hommes de toute visibilité. Pendant plusieurs jours, ils vont piétiner sur une tête de pont profonde d'à peine une dizaine de kilomètres.
Le général George S. Patton en NormandieDepuis les plages d'Utah et Omaha, la 1ère armée américaine du général Bradley progresse enfin vers Cherbourg. C'est chose faite le 26 juin, mais les Alliés n'en tireront aucun profit car le port a été rendu inutilisable par les Allemands.
Le général américain se dirige ensuite vers la Bretagne mais se heurte à la résistance de Saint-Lô...
Devant Caen, où le terrain est relativement dégagé, Montgomery croit pouvoir forcer le passage dans la journée ! Mais les blindés allemands du colonel Meyer lui opposent une résistance farouche. En désespoir de cause, un mois plus tard, le 6 juillet 1944, le Britannique fait appel à l'aviation. Mauvaise idée...
La capitale historique de la Normandie est littéralement pulvérisée par les vagues de bombardiers. Cela ne va pas pour autant faciliter l'avance de Montgomery. Ses blindés sont bloqués par les gravats ! Et tandis que la population civile de la ville a été décimée, les soldats allemands n'ont subi que très peu de pertes et vont résister jusqu'à la fin juillet.
Désespérant de sortir de la presqu'île du Cotentin, les Alliés décident dès lors de bombarder les villes de Basse-Normandie à l'égal de Caen, sous le motif de briser les communications ennemies. Ces bombardements sans véritable nécessité stratégique vont causer 14.000 victimes dans la population civile.
Le centre de la ville de Falaise en août 1944Le 31 juillet, les chars de Patton arrivent à percer le front à Avranches, au sud-ouest, sur la baie du mont Saint-Michel.
Sur ordre de Hitler, les Allemands venus de la vallée de la Seine tentent dans un ultime sursaut d'isoler les Américains mais se font piéger dans la « poche » de Falaise. Ils arrivent néanmoins à en sortir sans dommage et refluer en bon ordre vers l'Allemagne.
La « guerre des haies » aura duré près de huit semaines.
Soldats allemands pendant la guerre des haies en Normandie (été 1944)
La libération de Paris ne sera presque qu'une formalité avec l'entrée des chars de la division Leclerc le 25 août. Un mois encore et la plus grande partie de la France sera libérée (certaines poches de résistance ne se rendront qu'après la capitulation de l'Allemagne).
Stratégies divergentesSur le front principal, celui de l'Est, Staline profite du répit apporter par le Débarquement pour lancer une offensive puissante contre la Wehrmacht, le 22 juin 1944, troisième anniversaire de l'invasion de l'URSS. C'est l'opération Bagration, du nom d'un général russe des guerres napoléoniennes.
À la grande surprise de Hitler, qui s'attendait à des offensives périphériques vers la Finlande ou la Galicie, elle est lancée contre l'armée allemande du Centre, en Biélorussie, autour de Minsk. Avec l'appui efficace des partisans qui sabotent les communications ennemies à l'arrière, les Soviétiques progressent avec rapidité et les Allemands voient venir avec terreur le moment où ils vont pénétrer à l'intérieur de l'Allemagne historique...
Sur le « second front », à l'ouest, très vite se fait jour un conflit d'idées entre les deux têtes de l'offensive alliée, Montgomery et Eisenhower. Le Britannique préconise une attaque frontale sur le coeur industriel de l'Allemagne, la Ruhr, en vue d'en finir avant Noël 1944.
L'Américain est partisan d'un front plus large et d'une progression plus méthodique. On le soupçonne de vouloir empêcher les Britanniques de s'attribuer l'honneur de la victoire afin de faciliter la réélection du président Roosevelt en novembre 1944.
Montgomery tente de mettre son plan en oeuvre en attaquant les Pays-Bas. Le dimanche 17 septembre, il lance une grande offensive aéroportée sur le pont d'Arnhem, dernier pont sur le Rhin avant la Ruhr.
Les Allemands, prévenus, contre-attaquent. C'est un échec sanglant avec 3.000 rescapés sur les 11.000 hommes engagés (en souvenir de ce drame, les paras britanniques portent un ruban noir à l'arrière de leur béret). Dès lors, d'aucuns songent sérieusement à limoger « Monty », lequel bénéficie d'une popularité surfaite depuis sa victoire d'El-Alamein.
En décembre, Anglais et Américains se rallient finalement à l'idée d'une percée dans les Ardennes, où le général allemand Gerd von Rundstedt a lancé une contre-offensive de la dernière chance. Pas moins de 750.000 hommes engagés des deux côtés. Il faudra encore cinq mois de combats avant que l'Allemagne ne capitule. À l'autre bout de l'Eurasie, le Japon, quant à lui, résistera jusqu'à la capitulation du 2 septembre 1945.
Non, ce n'est pas le Débarquement qui eu raison du nazismePar sa puissance technologique... et par la grâce d'Hollywood, Overlord est aujourd'hui la bataille la mieux connue de la Seconde Guerre mondiale et à l'origine de nombreux clichés.
Le jour le plus long (1962)De fait, les véritables tournants de la guerre sont les batailles d'El-Alamein, Stalingrad et Koursk, après lesquelles la chute du nazisme n'était plus devenue qu'une question de temps. Mais il est vrai que les cinéastes les ont très peu mises en valeur.
Overlord fut avant tout une opération de soutien à l'effort soviétique et permit sans conteste de raccourcir de plusieurs mois la durée de la guerre.
Le Débarquement fut au demeurant assez peu meurtrier si on le compare à certaines journées d'août 1914 ou de la bataille de Stalingrad. Rappelons aussi que les Américains ont perdu 200.000 soldats au total sur l'ensemble des fronts du Pacifique et de l'Europe. C'est...
cent fois moins que les Soviétiques (vingt millions de victimes civiles et militaires).
Mais il est vrai que le sacrifice des jeunes ingénus américains suscite davantage d'empathie que celui des Soviétique endurcis par les horreurs de la guerre de partisans face aux nazis.