12 septembre 1940
découverte de la grotte de Lascaux
La chevauchée fantastique
Depuis sa découverte, la grotte de Lascaux a pris place parmi les plus anciens et plus admirables chefs-d'oeuvre de l'humanité.
C'est le jeudi 12 septembre 1940, après 17.000 ans de sommeil, qu'elle a retrouvé la lumière grâce à la curiosité d'un chien.
Ce jour-là, près du village de Montignac, au-dessus de la Vézère, au coeur du Périgord noir, quatre garçons de 13 ans poursuivent leur chien dans une faille de rocher. Ils débouchent dans une grotte et découvrent à la lueur d'une lampe de fortune la chevauchée fantastique de taureaux et chevaux multimillénaires.
Prévenu, leur instituteur Léon Laval alerte à son tour très vite le « Pape de la Préhistoire », l'abbé Henri Breuil. Celui-ci se rend rapidement sur le site, appelé Lascaux, et au terme de patients relevés, à la lueur d'une bougie, il identifie des peintures rupestres vieilles de 18.000 ans. Le site est classé monument historique dès le 27 décembre suivant.
Lascaux est sans doute le plus grand ensemble pictural préhistorique connu à ce jour. Ce n'est pas, et de loin, le plus ancien...
Lascaux : la rotonde gauche
Plus vrai que nature
Les peintures de Lascaux ayant été altérées par l'afflux de visiteurs, le site a été fermé au public en 1963. En guise de compensation, on lança la création d'un fac-similé de la grotte à proximité de celle-ci.
Le projet, sous l'égide du préhistorien André Leroi-Gourhan, a été confié au peintre Monique Peytral et au sculpteur Pierre Weber, qui avaient déjà réalisé des peintures volumiques. Pour la reconstitution au plus juste de la grotte, ils ont utilisé le relevé de stéréophotogrammétrie réalisé par l'Institut Géographique National.
Lascaux II a pu ainsi être ouvert au public en août 1983, avec 200 mètres de galeries sur 17 mètres de haut qui représentent 90% des peintures originelles (la rotonde des taureaux et le diverticule axial). D'une beauté saisissante, cette reconstitution nous offre une vision tridimensionnelle de l'ensemble pictural, ce qu'aucune photographie ni même la visite de la grotte véritable avec une simple lampe ne pourraient nous apporter.
L'art pariétal paléolithique
Bien avant Lascaux, d'autres découvertes ont révélé la richesse de l'art pariétal de l'homme de Cro-Magnon, notre ancêtre. La première remonte à 1879, à Altamira, près de Santander (nord-ouest de l'Espagne).
L'art pariétal européen s'est développé dans des grottes généralement très difficiles d'accès pendant plus de 20.000 ans, essentiellement aux époques glaciaires ! Notons que ces grottes inhospitalières n'ont jamais servi d'habitat aux hommes, qui leur préféraient les abris sous roche ou les huttes. Tout au plus accueillaient-elles des ours des cavernes pendant la période d'hibernation.
- l'Aurignacien (32000 BP) :
L'art pariétal a débuté vers 32.000 BP, à l'époque de l'Aurignacien, du nom d'une localité du Comminges (Pyrénées françaises), et décliné à la fin du Paléolithique, vers 8.000 avant JC.
De la première époque témoigne la grotte Chauvet, à une demi-heure de marche de Vallon-Pont-d'Arc (Ardèche). Elle a été découverte en 1994 par Jean-Marie Chauvet et étudiée de fond en comble par Jean Clottes. Les figures animales de cette grotte, d'une grande beauté stylistique, montrent que cet art a atteint dès ses débuts un très haut niveau de raffinement artistique.
Très ancienne également, la grotte Cosquer, aujourd'hui sous les eaux, dans une calanque proche de Marseille, a été découverte en 1991 par Henri Cosquer. Ses peintures (mains et animaux) ont été réalisées entre 27.000 et 19.000 BP.
- le Magdalénien (18000 BP) :
un bison de la grotte d'Altamira - Espagne - 15.000 BP
Dans la grotte d'Altamira, on retrouve des représentations animales à peine plus récentes que celles de Lascaux. Elles ont été datées au carbone 14 du Magdalénien inférieur, autrement dit d'environ 15.000 BP (15.000 ans Before Present).
Le Madgalénien, duquel relèvent les peintures de Lascaux, est une époque du Paléolithique qui s'est étendue entre 17.000 et 11.500 BP et doit son nom à l'abri de la Madeleine (Tursac, Dordogne). Au début du XXe siècle, on a découvert bien d'autres sites magdaléniens, par exemple en Ariège (Pyrénées françaises) les grottes de Niaux, des Trois-Frères et du Mas-d'Azil.
Sachant que l'homme de Cro-Magnon est présent en Europe depuis 45.000 BP, il n'est pas exclu que l'on découvre des grottes encore plus anciennes. Il n'est pas exclu non plus que l'on en découvre hors du continent européen...
Lascaux, chef d'oeuvre de la Préhistoire
Depuis plus de 60 ans, scientifiques, amateurs d'art et grand public se pressent aux portes de Lascaux pour tenter d'en approcher les mystères. Le site n'a cessé de fasciner, tant par sa qualité artistique que par les questions qu'il pose sur l'évolution de l'Homme.
On peut retrouver une très belle description de la grotte de Lascaux sur le site du ministère français de la Culture.
Lascaux, la Rotonde des taureaux (photo du ministère français de la culture, DR)
Qualifiée de « Sixtine de la préhistoire », en référence au chef-d'oeuvre de Michel-Ange, elle émerveille par l'harmonie de ses couleurs et le mouvement donné aux représentations : dès la première salle dite « Rotonde des Taureaux », une ronde d'aurochs et de chevaux, menée par une sorte de licorne, environne le visiteur.
Dans différentes « salles » qui s'étirent sur 250 mètres de galeries et un dénivelé de 30 mètres, ce sont plus de mille figures que des artistes anonymes ont alignées ou superposées en s'inspirant de chaque irrégularité de la roche, à l'aide de lampes et d'échafaudages.
Pour les couleurs (noir, ocre, rouge), ils ont utilisé des oxydes de manganèse et de fer, broyés et mélangés à de la graisse animale, puis appliqués au doigt, à la sarbacane ou au crachis ! Ils ont ainsi fait preuve d'un savoir-faire et d'une ambition qui nous obligent à nous poser des questions sur l'objectif d'une telle entreprise.
En suivant le « Passage », on accède à la « Nef » ou « Rotonde des Taureaux », où se croisent bouquetins, cerfs et bisons. Nous voici dans le « Diverticule axial » ou « Diverticule des Félins », où domine la gravure. En revenant sur ses pas, on peut rejoindre l'« Abside » aux centaines de gravures, en majorité chevaux et aurochs. Enfin, après quelques mètres de descente, on atteint le « Puits » pour découvrir la fameuse représentation d'un chasseur qui semble succomber à l'attaque d'un bison. C'est, soulignons-le, la seule représentation humaine que compte Lascaux.
Pourquoi Lascaux nous est indispensable
La théorie de « l'art pour l'art », du plaisir de peindre uniquement pour « faire joli » a été écartée par les scientifiques. Aurait-on choisi pour cela des lieux aussi inhospitaliers que ces cavernes sombres, dangereuses et humides ? Les scientifiques préfèrent évoquer un but rituel, peut-être lié à la chasse... Mais il est à noter que les animaux représentés sur les parois ne sont pas de ceux que consommait Cro-Magnon. Le seul gros gibier que consommait celui-ci était le renne, qui est absent de la grotte.
Selon une autre hypothèse, les peintures seraient le reflet de pratiques chamanistes, c'est-à-dire permettant à des « prêtres » d'entrer en contact avec les esprits sous forme d'hallucinations, reproduites ensuite sur les parois. Représentation d'une pensée symbolique, support du mythe de la fécondité ou lieu caché d'opérations magiques ? Lascaux a réussi jusque-là à préserver ses secrets.
Mais si cette caverne continue à nous passionner aujourd'hui, c'est aussi parce qu'elle reste le symbole de la naissance de l'art dans le monde. Avec cette découverte, on réalise que les âges préhistoriques avaient eux aussi leurs artistes, capables d'imaginer des œuvres qui répondent à un idéal de perfection et d'harmonie.
Dans le cheminement qui a conduit à la formation de l'homme moderne, Lascaux représente ainsi une des étapes les plus importantes : l'apparition du sens artistique. C'est pourquoi, au-delà de sa beauté et du témoignage qu'elle apporte sur nos ancêtres, elle est aussi le symbole de l'évolution de l'humanité.
Chef-d'oeuvre en péril ?
détail
Classée Monument historique dès 1940, la grotte de Lascaux a fait partie en 1978, avec l'ensemble de la vallée de la Vézère, des premiers sites inscrits sur la liste du Patrimoine mondial établie par l'UNESCO.
Mais elle en est aussi un des plus fragiles : l'aménagement de l'entrée de la grotte, après la guerre, a permis aux visites de se multiplier (jusqu'à 1.800 personnes par jour !) mais avec un excès de gaz carbonique dangereux pour les peintures : « maladie blanche » (formation de calcite sur les peintures) et « maladie verte » (apparition de microorganismes).
En conséquence, en 1963, le ministre des Affaires culturelles André Malraux a fermé le site au public...
Cette précaution n'a pas suffi cependant à sauver la grotte. L'installation en 1999-2000 d'une trop puissante machine de conditionnement d'air a détruit son équilibre climatique et biologique. Les traitements qui ont suivi n'ont rien arrangé. Des moisissures, sous forme de taches noires, sont venues dégrader les peintures, au point que l'UNESCO a envisagé de déclarer le site « chef-d'œuvre en péril ».